quand la maquette interpelle

quand la maquette interpelle

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mezzanine basse

Outil de transformation, de compréhension, de recherche et d’expression, la maquette met en évidence la réalité sensible et perceptible des oeuvres, tout en affirmant sa qualité et logique internes : capacité porteuse, tolérance, couleur, texture, joints et dimensions, machines de découpage. Quatre oeuvres majeures de Lina Bo Bardi sont ici interprétées : la Maison de Verre (1951), le MASP – Musée d’art de São Paolo (1968), l’église Espírito Santo do Cerrado (1982) et le SESC Pompeia – Centre culturel et sportif (1986). Fora Temer Agora, film d’Arnold Pasquier tourné sur le parvis du MASP et Survol de São Paulo de Martim Passos, accompagnent cette installation.

Exposition : récit d’une fabrique
Arnold Pasquier. Film. 30’.
Sonore. Paris. 2017.
ENSA-PB.

Le film est composé d’entretiens enregistrés avec les professeurs des équipes de Roma Sapienza et de Paris-Belleville qui détaillent leurs projets pédagogiques pour l’exposition. Chacun s’exprime quelques minutes, l’un après l’autre, et leurs voix sont montées sur un diaporama d’images des différentes rencontres des équipes à Rome et à Paris et des ateliers de construction.

MASP. São Paolo. 1968.
Maquette coupe détail à 1/10

L’enjeu majeur se traduit dans le rapport entre la puissance sculpturale, l’apparente simplicité des portiques et la technique structurelle. Les ingénieurs ont intégré un système de câbles précontraints à post-tension et des appuis glissants, et les planchers semblent suspendus aux portiques. L’intérêt de cette maquette repose sur la possibilité de révéler ce dispositif et de faire comprendre comment une solution formellement simple exige une maîtrise totale de la technique. Il y a des problèmes qui sont propres à l’objet-maquette, par ses nouvelles dimensions mais surtout par la nature de sa matérialité. De plus, par un souci de fabrication, de transport et de montage dans des espaces différents, la maquette ne peut pas se faire comme un seul élément monolithique. Ainsi, la technique de précontrainte a été récupérée pour la poutre afin de connecter cinq tranches différentes qui composent l’ensemble de l’ouvrage. La maquette devient un « projet » en soi et il a fallu développer un système propre qui permet le montage et le démontage de cette grande poutre de 7,4 mètres de long.

Maquettes du site. 1/2000
Dessins préparatifs en 3D

Ces carrés de 19 cm rendent visibles des situations urbaines contrastées. La Maison de Verre surplombe un tissu de villas noyées dans la verdure, jouxtant des habitats précaires ; les trois cylindres emboîtés de l’église Espírito Santo tranchent parmi les îlots réguliers du quartier populaire d’Uberlândia ; le MASP, bordé de gratte-ciel, offre ses flancs au parc et au belvédère; et le SESC Pompeia se dresse, tel un totem, dans un tissu qui conserve la mémoire d’un passé industriel.

Maison de Verre. São Paolo. 1951.
Maquettes du site à 1/200

Le choix de cette échelle assez réduite pour une maison individuelle vise à déplacer l’intérêt attaché au bâtiment vers un aspect crucial pour comprendre la démarche de Lina Bo Bardi : la mise en valeur du site et le rapport indissoluble avec l’objet « flottant » qu’il accueille. Dans la découverte progressive de cette architecture palafittique, cette ascension s’articule sur une topographie mouvementée et texturée par le travail du sol, des traces, des sentiers et de la végétation. Cela repose sur deux maquettes, deux regards complémentaires qui se servent de deux matériaux qui vont prendre à chaque fois des rôles inversés : métal et PLA. La première est composée par un socle plein en acier. Le volume d’air et des arbres qui entourent la maison a été rendu lisible par une succession de lames en PLA, pendant que le bâti reste comme un creux en négatif de cette même masse. La seconde donne à lire cette même topographie comme une surface pliée transparente, presque invisible, sur laquelle vient se poser la maison, cette fois-ci matérialisée à travers une surface pliée.

Église Espírito Santo do Cerrado. Uberlândia. 1982.
Maquette à 1/50

Il s’agissait ici de gommer le rapport du bâti avec les limites de l’îlot existant, afin de concentrer le regard du visiteur sur les ambiances de chaque cylindre et de mettre en valeur l’intériorité des espaces en dépit de la volumétrie. Depuis l’extérieur, il n’y a qu’une boîte noire ou translucide, où quelques excroissances rouges interpellent la curiosité des visiteurs, qui doivent s’approcher pour découvrir un monde intérieur. Ces entonnoirs nous invitent à découvrir des fragments sans que l’on puisse comprendre les rapports entre les différentes pièces de l’ensemble. On ne peut pas imaginer que ce volume rectangulaire abrite des espaces circulaires. Les textures mais surtout la lumière jouent un rôle crucial. Ainsi, les surfaces internes de chaque volume, y compris le mobilier, ont été travaillées avec beaucoup de précision et de sensibilité. En s’appuyant sur des photographies d’archives, ces espaces ont été restitués dans l’état premier du bâti. Un tiroir caché dans la partie inférieure dévoile le plan découpé en blanc sur noir.

SESC Pompeia. São Paolo. 1983.
Maquette à 1/25

Nous avons voulu nous dissocier de la question sculpturale pour faire ressortir quatre sujets. D’abord, le système structurel des dalles à caissons précontraintes. Ensuite, l’empilement des terrains de jeux comme une superposition des paysages et des saisons. Puis, les deux systèmes de fenêtrage des deux tours : les baies carrées pour la petite, les creux dits « troglodytes » pour la grande. La forme de ces dernières trouve son origine dans l’imaginaire de Lina Bo Bardi. Elle deviendra une sorte de fenêtre-type, pour d’autres projets. Et enfin, la dimension collective, sociale et ludique des passerelles de connexion entre les deux tours. Les dalles et les passerelles sont construites en bois et soutenues par des murs en PLA avec les contours des fenêtres dessinés en rouge, une inversion afin de mettre en valeur la fenêtre. Traduit par des disques en PLA, le réservoir d’eau original révèle le processus constructif et vise à montrer la cadence rythmique de la surface texturée par le débordement des coulées de béton successives.

Le mur, la fenêtre troglodyte du SESC Pompeia et son volet coulissant.
Ce mur est réalisé à l’échelle 1/2

Le percement n’est pas une copie conforme de l’une des ouvertures de Lina Bo Bardi, mais reste tout aussi aléatoire que l’ensemble des percements du bâtiment d’origine, où aucune ouverture n’est identique à une autre. Une fois encore, le bois remplace le béton du mur, tandis que le volet et le rail sont réalisés en bois et peints en rouge, le plus proche possible de la couleur d’origine. Le mur est monté en deux éléments creux, type ossature bois, avec une finition en contreplaqué brut, démontables pour faciliter le transport. L’écorché du mur, en béton à l’origine, est simulé dans l’ossature bois par une couche constituée de grillage recouvert de journal collé, elle-même enduite d’une pâte composée de sciure et de copeaux de bois.